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LE TRAC, une turbulente manifestation du "petit moi"

Le chant pour découvrir notre êtreté

L’origine du mot trac provient par analogie de la traque animale. L’animal se sentant acculé par le chasseur, il déclenche un processus d’hyper stress d’anticipation pour favoriser sa fuite devant un danger qui met en péril sa vie. C’est donc ce même mécanisme psychologique qui se met en place lorsque l’on a le trac ! vous vous rendez bien compte de l’inadéquation aberrante au regard de la situation vécue… Mais que risque-t-il de se passer lorsque je vais prendre la parole ou chanter devant un public ? Va-t-il y avoir un tremblement de terre ? une tempête ? Les spectateurs risquent-ils de tous se lever pour venir m’étrangler sur scène ?  Une horde d’Hyènes silencieuses cachées dans les coulisses va-t-elle investir brutalement la scène pour m’attaquer sauvagement dès lors que je vais y poser un pied ?  Et pourtant notre corps se met en alerte comme si un réel danger vital venait se présenter devant nous !

Nous sommes en situation de fuite, nous cherchons à fuir le moment présent pour aller vers un futur exempté de tout péril vital.

Notre corps évidemment somatise cet hyper stress de manière très actif : Le cœur qui accélère, le corps se raidit, la bouche se sèche, la tête tourne… Tout en nous est en lévitation afin de fuir cette situation périlleuse. Bref il n’y a plus d’ancrage au sol, notre appareil phonatoire est totalement hors d’usage et incapable d’assurer une émission vocale correcte : le larynx remonte, les cordes vocales se dissocient, la respiration se fait agitée et thoracique…  Dans notre tour que l’on croît infernale, un incendie dérisoire s’est déclaré au dernier étage, et nous voulons nous jeter par les fenêtres en croyant échapper aux flammes, alors qu’il aurait été si simple de descendre à l’étage inférieur pour aller chercher un extincteur. 

  Alors que le secret d’un beau chant étant le ici est maintenant, et bien en situation de trac nous sommes déjà là-bas et ailleurs…

 

 

 

Une soprano classique bien connue avouait : « la seule idée de chanter le soir constitue pour moi une telle torture que j’ai la sensation que ni l’or ni la gloire ne sauraient me dédommager du moment terrible où je dois apparaître devant la rampe. Je souffre à cette heure atrocement. »

Une chanteuse pop non moins célèbre avant d’entrer en scène confiait à un journaliste : «je ne vous souhaite pas ça, je ne le souhaite à personne, et je vous jure que l’on a tellement la trouille qu’on se demande, si l’on n’a pas franchement intérêt à devenir fleuriste ou pharmacienne… ».

Alors, Qui parle et qui veut fuir la situation ?

Malgré leurs grands talents artistiques, ces deux artistes nous montrent ici leurs totales identifications à leurs « petit moi », leurs personnages 3D faits de toutes les limites afférentes à la condition humaine. Leurs « petit moi » a le pouvoir absolu tant qu’il n’est pas sur scène. Il légitime, à juste titre, son incapacité à exprimer la toute-puissance de ce qu’il se refuse à identifier : L’Âme qui l’habite.

Dissoudre le trac, faire disparaître la peur, c’est avant tout prendre conscience que nous sommes 2, un contenu et un contenant…

Notre petit « moi », celui qui a le trac, qui limite, qui s’interdit, qui juge et se juge, qui souffre et fait souffrir en étant nourrit à outrance par notre mental…

Et notre être véritable, celui qui n’a jamais peur de rien car il est animé par l’Amour, celui qui a une puissance illimitée, celui qui réveille les héros de leur lâcheté apparente, celui qui rend les infirmes capables de tous les exploits, celui qui témoigne de toute les gratitudes en pleine adversité…

Dissoudre le trac, faire disparaître la peur, c’est observer, avec plus d’altitude, les circonvolutions de son petit personnage qui veut tout faire pour tout contrôler et limiter notre champ d’expression.

Aussi génial et talentueux soit-il, un artiste redevient minuscule, du moins le croit-il, lorsqu’il se retrouve hors de son contexte artistique. Son mal être, sa souffrance au quotidien, se manifeste la plupart du temps, parce qu’il a fermé la porte sur l’infinitude de la puissance de son âme. Son « petit moi » reprend le pouvoir. Il a connu sur scène cet état de complétude et d’infinie puissance, il retrouve hors de scène le plancher des vaches et l’atterrissage est donc frustrant et douloureux. Comment pourrait-il envisager à cet instant de se dépasser puisque tout lui montre les limites de son personnage auquel il s’identifie.

Le carrosse est redevenu citrouille…. Et la citrouille ne voit plus l’ombre d’un carrosse ! On ne croit malheureusement que ce que l’on voit….

La peur d’entrée en scène est à peu près la même pour l’artiste amateur ou l’artiste professionnel, ce qui les différencient réside juste dans l’aptitude de ce dernier à complètement lâcher prise au moment précis où il va commencer sa prestation. Le personnage capitule, accepte de s’abandonner à son non contrôle et laisse faire une énergie plus vaste.  

Nous avons tous cette puissance illimitée si nous décidons de lâcher cette identification à ce que nous appelons : notre personnalité ! 

Nicolas Luciani 

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